Lombalgie de la spondylarthrite : les biothérapies ne suffisent pas pour prévenir l’ankylose

Par le Dr Jean-Paul Marre

Dans les douleurs inflammatoires du dos au cours de la spondylarthrite ankylosante, un anti-inflammatoire non-stéroïdien permet de mieux prévenir les ossifications osseuses radiologiques quand on l’associe aux biothérapies (anti-TNF), pourtant beaucoup plus puissantes en théorie.
Selon les résultats d’une étude présentée au congrès européen de rhumatologie (communication OP0198), les patients souffrant de spondylarthrite ankylosante qui prennent des anti-TNF et en même temps des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ont une moindre progression des lésions radiologiques que ceux qui ne prennent qu’un anti-TNF, et cet effet est dose-dépendante.
En ce qui concerne les différents AINS, le célécoxib associé à l’utilisation d’anti-TNF serait responsable de la plus importante réduction de la progression radiologique. La différence est significative à deux et quatre ans.

Une maladie inflammatoire chronique   Au fil du temps, la colonne vertébrale peut s’ankyloser (ossifications) et les articulations peuvent s’abimer, un processus appelé « progression radiologique ou progression structurelle » par les médecins. La spondylarthrite ankylosante est une maladie inflammatoire chronique qui est essentiellement responsable de douleurs inflammatoires lombaires et dorsales, c’est-à-dire qui réveillent le malade dans la nuit ou le matin. Cette maladie axiale peut s’associer à des douleurs articulaires ou des arthrites (maladie périphérique). Les AINS sont le traitement de première intention des malades souffrant de spondylarthrite ankylosante. Si les malades ont une mauvaise réponse ou des contre-indications ou une intolérance aux AINS, ils peuvent alors recevoir une biothérapie, et en particulier un TNF.

Un effet des AINS sur la prévention des lésionsLa stratégie thérapeutique actuelle vise un soulagement des douleurs, mais il existait des preuves que les AINS ralentissent aussi la progression radiographique. Par contre, l’impact des inhibiteurs du TNF sur la progression radiographique n’est pas clair en dépit de leur très bonne efficacité sur l’inflammation et les douleurs. De plus, de nombreux malades arrêtent les AINS lorsqu’ils sont mis sous anti-TNF en raison d’un bon contrôle des symptômes par ces derniers. « Nos résultats suggèrent que l’utilisation conjointe des anti-TNF et des AINS, en particulier le célécoxib, a un effet synergique contre la progression radiologique des lésions osseuses chez les patients souffrant de spondylarthrite ankylosante, et en particulier aux doses plus élevées », explique Lianne Gensler, premier auteur de l’étude. « C’est la première étude à comparer les effets entre les différents AINS dans ce cadre ».

Une étude sur 4 ansCette étude prospective a inclus 519 patients atteints de spondylarthrite ankylosante qui répondaient aux critères modifiés de New York avec au moins quatre ans de suivi clinique et radiographique. L’âge moyen des participants était de 41,4 ans avec une durée moyenne des symptômes de 16,8 ans, les trois quarts étaient des hommes. Les AINS ont été utilisés chez 66% des patients. Les inhibiteurs du TNF ont été utilisés chez 46% des patients. Chez les patients traités par anti-TNF, l’ajout d’un traitement par AINS est associé à une moindre progression radiologique à quatre ans. La différence moyenne du score radiologique mSASSS entre l’utilisation de l’anti-TNF et l’absence d’anti-TNF à quatre ans est de 0,50 (p = 0,38), -1,24 (p <0,001) et -3,31 (p <0,001) en l’absence de traitement AINS associé, en cas d’AINS à dose faible et à dose élevée, respectivement.

Une application pratiqueMalgré leur efficacité, les anti-TNF ne seraient pas suffisants pour prévenir les lésions radiologiques osseuses et l’ajout d’un AINS pourrait réduire encore la progression radiologique. Ceci semble logique au vu des bénéfices des AINS déjà observés dans cette maladie, à condition cependant de prendre les AINS le soir au coucher afin d’avoir le maximum de la dose d’AINS la nuit, période où l’inflammation est maximale. Cela permettrait de limiter les doses d’AINS au minimum afin d’éviter les effets secondaires de ces derniers.